prévoyance
j’ai entrepris de séduire mon pharmacien, je songe à mon avenir
j’ai entrepris de séduire mon pharmacien, je songe à mon avenir
la grandeur d’un état, dont témoignaient autrefois les forteresses, cathédrales, châteaux et palais, se mesure aujourd’hui aux infrastructures, à leur construction, rénovation, entretien, on consacre des milliards, elles sont l’emblème d’un pouvoir public assujetti à l’économie, qu’elles ont mission de faire rouler, et c’est à elles qu’on s’attaque pour ébranler une administration, on bloque la route, le pont, l’aéroport, la centrale électrique
la majeure partie (la presque totalité) de l’univers échappe à notre entendement, impossible de l’appréhender avec le mode de pensée (limité, terrestre) qui est le nôtre
tu as déjà une voiture, si tu te paies une moto, ce n’est pas par besoin, mais pour te grandir, du moins, brandir un signe de virilité, aussi conjurer ta solitude, devenir voyant, le contraire d’inaperçu
dans une plaquette (belge) que je viens d’acheter, je trouve cette perle : perforé de trous… le pléonasme était en solde
dans l’écriture (et l’art en général), il y a prédication, donc détresse
au resto, des conjoints se disputent, le ton monte, la femme prend un air buté, l’homme se lève, ramasse ses clés, son téléphone, il va partir, leur petit garçon, qui n’a pas 2 ans, et se tient à genoux sur sa chaise, se met à pleurer, affolé, le père se penche vers lui, pour le consoler, le caresse, se rassoit, dans un hoquet, l’enfant pige une frite dans le bol, en mâchouille le bout, les yeux pleins d’eau
je l’ai écrit ici, et peut-être ailleurs, la liberté est cousine de la mort, elle marque une rupture avec le monde, distance radicale, la perte du rôle, elle équivaut à une absence, elle est souveraine
leur algorithme n’est toujours pas au point : voilà qu’on me propose une extension de cils, et fait valoir un rabais de 30 % sur les bikinis
en attendant ses amis, ils vont pique-niquer dans le parc, il a déjà mis une nappe, dressé la table, il s’exerce à marcher sur les mains, je m’arrête pour l’admirer, son adresse me fascine, mais aussi son ventre chaque fois révélé, le tee-shirt se pliant à la gravité
on parle de toi, de ton premier livre, on le commente, le recommande, t’accorde des étoiles, savoure l’instant, il est disparu
de la porte donnant sur ma terrasse, j’observe le manège du moineau, qui se pose sur le rebord du pot de terre cuite, attrape une branche avec son bec, la secoue, la tire, réussit enfin à l’arracher et à l’emporter, je me dis que ça doit être bon de dormir dans un nid tapissé de sauge
j’ai un petit os du pied qui s’est déplacé, puis un du poignet, comme si mon squelette prenait de l’avance, cherchait déjà à se disloquer
tandis que ses parents, ses tantes, ses sœurs trottinent, se protégeant la tête, les uns à l’aide d’un blouson, les autres, d’un journal ou d’un sac de plastique, le garçon marche à découvert, au milieu de la rue, lève les bras au ciel et crie : vive la pluie
il est convaincu, même s’ils tardent à se matérialiser, que ses rêves d’amour idéal et de gloire littéraire relèvent d’une saine et légitime réaction face à la perspective absurde de la mort, il ne conçoit pas que ce pressant besoin d’exister dans le regard de l’autre, prince charmant ou lecteur, ne fasse que trahir son vide intérieur
je ne sais rien du bonheur facile, celui qui implique de l’indulgence, et de la simplicité, alors je prends des leçons
je place ma page bien à plat sur le verre, et referme délicatement le couvercle, j’appuie sur le bouton, rien, je consulte le minuscule écran lumineux, pas de message à l’effet qu’il manquerait de papier ou d’encre, je recommence, sans succès, j’active et désactive des fonctions, aucun résultat, je me tourne vers la préposée du comptoir de la poste, qui accourt, elle répète la plupart des opérations et vérifications que j’ai déjà effectuées, se tourne vers moi et me demande : vous avez mis de la monnaie ? euh…
certains pensent que l’imagination consiste à déserter le réel (l’abdiquer) pour entrer dans un monde improbable, peuplé de créatures merveilleuses ou effrayantes, c’est ce qu’ils s’efforcent de développer chez leurs enfants
le célébrant doit donner des indications précises : ceux qui le souhaitent sont invités à se mettre à genoux, vous pouvez maintenant vous asseoir, s’il vous plaît, vous lever, c’est le servant de messe qui fait toutes les réponses, à l’évidence, personne dans l’assistance ne pratique, même pas les jeunes mariés ni leurs parents, alors pourquoi une cérémonie à l’église ?
l’enfantillage, c’est une construction de grands pour communiquer avec les petits, qui n’ont rien demandé
le livre s’écrit dès que vous posez le crayon, ou quittez l’ordinateur, les phrases se forment tandis que vous marchez, mangez, discutez, faites les mots croisés, et même rêvez, la nuit, le talent, c’est de comprendre ça
au snack-bar, c’est le rush, reviens plus tard, me dit mon ami, on aura le temps de parler, il insiste, ce qui me fait plaisir, dans sa camionnette, le livreur du supermarché chante à tue-tête un air d’opéra, une femme traverse l’intersection, elle transporte sur un plateau une théière et plusieurs tasses, et va rejoindre ses amies dans le parc
la philosophie m’ennuie lorsqu’elle se réduit à supposer une organisation des ténèbres, qui n’en ont pas
dans sa publicité, le commissaire-priseur nous invite à enrichir en ligne, il veut dire : enchérir, joli lapsus
la pensée occidentale, la démocratie, le christianisme, la haute finance n’arrivent à rien, il faut tout revoir, voyager, écouter, apprécier l’horizontalité
à la télé, le public en studio se conduit comme un troupeau, réactions orchestrées et homogènes, on ne verra jamais quelqu’un rester assis, bras croisés, encore moins chahuter, non, dès que l’invité est appelé sur le plateau, on se lève, on l’ovationne, peu importe que ce soit un mafieux ou un policier, un premier ministre ou le chef de l’opposition, un sportif millionnaire ou amateur, un intellectuel ou un douchebag, traitement uniforme, les applaudissements n’expriment rien, ne s’accordent pas aux convictions intimes, dénaturés, ils s’adressent en fait au spectacle lui-même
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© 2021 Mario Cyr