s’effacer
reconnaître enfin que la vie n’a pas de sens, à part celui qu’on lui assigne, c’est encore lui en chercher un, le vrai courage serait de se tenir au-dessus du vide
reconnaître enfin que la vie n’a pas de sens, à part celui qu’on lui assigne, c’est encore lui en chercher un, le vrai courage serait de se tenir au-dessus du vide
sur les images de la bande-annonce, une musique de fanfare exaltée, tandis que pleuvent les injonctions en gros caractères : allez au bout de vos rêves, surmontez vos peurs, livrez votre combat, tout ce vieux discours américain, parvenu et toxique, qui essaie de nous faire croire qu’il suffit de vouloir et que l’échec ne dépend que de soi
que répondre à ce garçon qui m’implore de l’insulter, de l’humilier ? exercée ou subie, la domination dans la sexualité me déconcerte, je comprends encore moins qu’on puisse y trouver une représentation du sacrifice, autel de la victime et du bourreau, comme s’il y avait matière à expiation
ces idées-là descendent tout droit du colonialisme
je suis adepte de la simplicité au lit
plantée au coin de la rue, le feu est rouge, la femme d’une cinquantaine d’années s’applique à dresser son petit chien : assis… allez, assis… s’il te plaît
j’ai vu ma médecine aujourd’hui, ça fait 20 ans qu’elle me suit, me traite, m’écoute, nous nous regardons vieillir, pendant cette période, j’ai perdu 2 de mes chums, mes parents, c’est à son tour maintenant, son père est décédé il y a une semaine, elle a pris ma pression, puis on a parlé du deuil, de l’héritage
il y a une radio poubelle parce que nous continuons de fouiller dedans, aucun marché ne fonctionne sans notre connivence
c’est le matin et le soir, aux 2 extrémités du jour, que les odeurs, les lumières et les sons se propagent avec le plus de force et de subtilité, que tout acquiert un surplus d’existence, que la parole se fait incantation, dans les parages du sommeil
même quand ils sourient, les vieux paraissent toujours sur le point de pleurer
à la sortie du café où elles ont brunché, elle dit à ses amies : je suis de l’autre côté de la rue, en parlant de sa voiture stationnée, je est un bien
j’ai discuté aujourd’hui avec une jeune mère qui s’ennuierait à mort si elle devait rester à la maison, elle ne saurait pas quoi faire de sa peau, elle se réjouit donc d’avoir un emploi, qui l’amène à sortir de chez elle, lui change les idées, la divertit, bref, elle travaille par manque de créativité
au même moment, le tapis de l’escalier, celui de la cuisine, les ampoules de l’entrée, des amitiés, le combiné laveuse-sécheuse, les téléphones sans fil, des croyances, la bouilloire électrique, les portes de balcon touchent au terme de leur vie utile, il faut les remplacer, ça prend l’allure d’une renaissance
ces jours-ci, je m’écoute penser, que voulez-vous, je n’ai rien à faire, et je constate à quel point mon monologue intérieur est apocalyptique, le moindre incident domestique, un robinet qui fuit, laissant à peine échapper quelques gouttes, prend bientôt des proportions alarmantes, ça préfigure une rupture de conduite, une inondation, un déluge, que les assurances ne couvrent pas… tout pour moi est matière à catastrophe et à sidération, j’ai l’imagination fertile, et de fréquentes insomnies
gab, mon dernier mari, éclatait de rire quand il faisait une gaffe, ça m’est arrivé récemment, pour la première fois de ma vie, je crois, ça m’a rendu très fier, ça signifie que je me prends (un peu) moins au sérieux
la stratégie du troll, quand vous le poussez dans ses derniers retranchements, c’est de vous bloquer en vous taxant de perversion narcissique, c’est touchant à force de stupidité
la patinoire est un lac, au retour de la garderie, les petits y pataugent avec un plaisir évident, quelques chiens trempés patrouillent autour d’eux, renouant avec leur vocation de bergers, plus loin, les mamans discutent au-dessus d’une poussette, dans laquelle un bébé dort à poings fermés
toute la beauté qu’il faut créer, révéler, favoriser, propager, tenir à bout de bras, sans rien échapper, en vue de faire reculer l’horreur, nous en avons pour des milliers d’années, merci de nous donner autant de travail
le vieux pianiste dans la chambre de bois, ses arpèges têtus, la douce bienveillance de ceux qui ont compris que la musique est un rapport au monde, qu’elle en étend le mystère
heure des devoirs
tracer des lettres dans un cahier
ligné
le gorille en peluche est si gros
on dirait qu’il porte l’enfant
ils grimpent la passerelle
montent sur le paquebot
dire ta détresse
la nuit
quand l’obscurité
dissout le réel
t’accrocher à quoi
tu meubles ton ennui
de fantômes et de menaces
ils étaient enfermés depuis 3 jours, s’ils quittaient le lit, c’était pour chercher à la cuisine de quoi grignoter, un bout de pain, du saucisson, du fromage, des fruits, avec une bouteille de rouge, et de la vodka, ils sortent enfin dans la lumière du jour, radieux, ils sentent le sexe à plein nez
à côté de chez moi, dans le parc, il y a une patinoire, à plusieurs reprises, de mes fenêtres, j’ai pu observer ce phénomène : si son bébé fait une chute, la maman vole à son secours, le remet sur pied, le tâte, comme pour s’assurer qu’il a encore tous ses morceaux, lui parle, brosse ses vêtements pour en chasser la neige, le père, lui, se plantera près de l’enfant, qui pourra toujours s’agripper à son pantalon pour se relever
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© 2021 Mario Cyr