recul
nous sommes le cadre de nos tourments, rarement la racine
nous sommes le cadre de nos tourments, rarement la racine
il transporte la table en bois qu’ils ont trouvée en bordure du trottoir, elle, la patte cassée, ils vont tenter de la réparer
jeune, je déménageais souvent, puis, j’ai désappris à partir, maintenant, ce sont les autres qui me laissent
leur tournant même le dos, le petit garçon oublie d’encourager les participants, fasciné par le doré du pompon de meneuse de claque que sa grand-mère lui a remis
apercevant ses enfants sur le terre-plein, le coureur s’arrête pour leur donner chacun deux bisous
s’agenouiller dans l’odeur des feuilles
pleurer de reconnaissance
il colle au cul de sa blonde pour franchir avec elle le tourniquet du métro, ne paient qu’un passage
et toi, qu’as-tu fait du chèque en blanc de tes 16 ans ?
même en me répétant matin et soir que je désire un enfant, je ne tomberai jamais en famille, on est d’accord ? alors, pourquoi penser au cancer contribuerait-il à me le donner ?
la bêtise est la seule tendance qui dure
Jour après jour, nous repoussons les limites de l’acceptable, les slogans (toujours guerriers, réducteurs, opprimants) triomphent du discours : la réflexion n’a plus d’effet sur le réel, et la représentation, plus aucun rapport avec ce qu’elle prétend signifier, le très haut degré d’abstraction de notre civilisation est directement proportionnel à la densité matérielle des tragédies charnelles, organiques qu’elle détermine.
l’indifférence est la condition d’apparition de la barbarie
l’angoisse est une déraison, un pas de côté, comme une sortie de route, perte de contrôle, l’imagination morbide prend le dessus, ô combien préférable à l’incertitude, on organise le destin, puisqu’il en faut un, sans indulgence pour soi, recherche du pire
quand on s’y arrête, c’est fou, ce que chacun fait pour se détourner du sentiment de sa fragilité
toute détresse s’explique par la honte de soi et la peur des autres
Notre littérature est tout sauf de la résistance, elle s’accorde trop bien avec la bien-pensance, le confort ambiant, consensuel, les attentes bourgeoises du lectorat féminin, que nos auteurs flattent dans le sens de l’épilation.
En cas d’écrasement, déraillement, collision, naufrage, le premier réflexe des passagers sera de filmer la scène avec leur téléphone.
Dans des textes récents, je lis une revendication maladive d’humanité. Entendre par là : aveu de lâcheté, mollesse assumée, indécision dont on se félicite, imperfection glorifiée, médiocrité satisfaite. Paradoxalement, échapper aux idéaux en devient un. Bref, une écriture incapable de s’élever au-dessus de l’image.
Partout, d’est en ouest, du nord au sud, le même mot d’ordre, qui tient lieu de programme politique : sauvons nos riches.
Ne plus s’indigner, agir.
frapper au même endroit
même porte
persistance du besoin
ne jamais éteindre
encre indélébile
les mots n’en peuvent plus
de crier de geindre
dans ce silence de métal
pacte d’enfer
j’ai du son de côté
il m’en restera pour l’hiver
c’est dans la mémoire que se tapissent les monstres dont la seule évocation nous fait trembler, les démons appartiennent toujours au passé
pour entretenir sa popularité, et ne pas être jugé trop sérieux (lire : indigeste), l’intellectuel à gogo s’applique à désamorcer son propos à mesure qu’il l’énonce, à se tourner lui-même en dérision, s’excusant de sa lourdeur, le véritable penseur, lui, s’en côlisse
Dans le milieu gai, on me considère comme un mature, un dad. Dans certains commerces, comme un aîné (ce qui procure des privilèges). Dans mon métier, comme un senior. Je ne suis jamais vieux.
Se plaindre de la course du temps, du passage des ans, de la disparition des repères, ce n’est pas aimer la vie.
L’éternité est notre première grande fiction.
Dans la publicité, on demande à la femme d’acheter et de faire la pute. À l’homme, il suffit de se comporter comme un imbécile.
La perte, qui allait de soi autrefois, devient une affaire extrêmement complexe, d’où la profusion de témoignages, guides, avis d'experts. Nous ne tolérons plus la privation.
des tapis de laine
mensonges debout
aucun panneau au bout de la route
juste du sable
des maisons comme des planches
que la pluie a noircies
la colère cale dans la boue
nous n’avons plus de vivres
et tu fais semblant de rien
Dans nos cuisines, il y a toujours un tiroir dans lequel sont jetés pêle-mêle des objets de toutes sortes, des bouts de bois, des élastiques, de la ficelle, des clous, des crayons, des épingles à couche, ou à linge, des dés, des cartes à jouer dépareillées, un tournevis, une paire de pinces, des bouchons de liège, de l’argent Canadian Tire, des coupons-rabais expirés, un vieux calepin, des clés dont on ignore l’utilité, un cadenas, des billes, une pièce de domino, des piles, une bobine de fil, une gomme à effacer, un timbre, un autocollant, un aimant, le menu d’une pizzéria, du ruban électrique, un tube de colle, des ciseaux, un galon…
Un livre digne de ce nom peut se comparer à des chaussures neuves : ça commence par faire mal.
Se relire, c’est une acrobatie, qui requiert à la fois sévérité et indulgence. C’est un bon test de rapport à soi.
Même à mon âge, la vie réserve des surprises. Aujourd’hui, pour la première fois, j’ai vu un gars se masturber avec le petit doigt en l’air.
créer implique de se compromettre, c’est accompagné d’une forte sensation de déperdition de soi
On ne peut pas écrire sur la mère : le texte ne sera qu’une accumulation de lieux communs, de clichés, de contre-vérités prévisibles, d’images surfaites, souvent bourgeoises, nettoyées, sans relief aucun.
Pour que ça devienne intéressant, il faudrait parler de la femme. Autrement dit, considérer davantage l’actrice que le rôle, archiconnu, et ennuyeux.
Mais il n’y a pas toujours quelqu’un derrière le masque. C’est si tentant de fondre.
elle prend des airs de madone, sourire en coin, détendue, sereine, habitée, presque mystique, comme si son gros ventre rond, qu’elle caresse, lui redonnait une pureté, j’allais dire : une virginité
stlinhorny, comme nick, ça fait pas sérieux…
J’ai longtemps ressenti comme un handicap l’impossibilité dans laquelle je me trouvais, lorsqu’un journaliste me questionnait, de résumer mes romans en une seule phrase, de les ramener à la simplicité d’une formule. Car, chez moi, l’histoire reste secondaire. Je m’aperçois maintenant que c’est un atout. Ma signature.
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