sanctuaire
la vérité du désespoir
tous chemins coupés
cette rencontre que toujours
on empêche
notre âge pèse une tonne
mais la clarté tient bon
et le banquet des moineaux
dans la vigne vierge
la vérité du désespoir
tous chemins coupés
cette rencontre que toujours
on empêche
notre âge pèse une tonne
mais la clarté tient bon
et le banquet des moineaux
dans la vigne vierge
C’est un danseur professionnel. Je le vois souvent, assis devant son immeuble, grillant une cigarette. Ou sortir du dépanneur (bannière hostile à la syndicalisation de ses employés) avec un sandwich sous emballage plastique rigide triangulaire et un cola.
Cet autre écrit, déclame sur des scènes underground une poésie qui se veut sauvage, rebelle. Dans un post, cette semaine, se vante de posséder la nouvelle (et coûteuse) bébelle d’Apple.
Soupir.
Nous passons plus de temps à montrer qui nous sommes qu’à être. Moi le premier.
Marchant à proximité d’un chantier où un ouvrier découpe une planche à l’aide d’une scie circulaire, une femme d’un certain âge (cinquantaine avancée, début soixantaine) accélère le pas, se pince le nez, sourcils froncés, l’air apeuré comme si on l’exposait au gaz sarin.
Euh… ???
Douairière au petit pois.
Peut-on dire qu’un téléphone, ou d’un tableau blanc, qu’il est intelligent ?
Oh, que non ! s’offusquent les puristes, pour qui ce noble qualificatif, apanage de l’homme, témoigne de son indéniable supériorité.
Mais regardez ce qu’il en fait, les résultats qu’il obtient…
Un auteur, à qui je révèle mes projets de roman, y décèle un besoin inouï de changement, volonté radicale de transformation.
C’est l’équivalent artistique de l’annonce d’une tumeur, installée en vous, à votre insu, au profond de la chair, et qui grossit.
Une fois avisé, il faut donner suite.
mousse eau claire
trace de bêtes dans la boue
champignons baies écorce
cri d’oiseaux vent du large
odeur d’iode
déchirement de couleurs
au couchant
et si l’été ne revenait plus
Vient de sortir un ouvrage sur l’art de ne rien faire. Me rangeant à ce qu’il prône, je ne vais pas le lire.
Une boulotte complexée, sans grand talent, qui n’a jamais séduit, se rabat sur l’écriture, s’y cramponne, planche de salut.
Elle ne comprend pas que la littérature réclame exactement le contraire : elle assèche ceux qui la pratiquent, elle ne les remplit pas.
Ceux qui prétendent entreprendre chaque jour comme si c’était le dernier ne savent pas de quoi ils parlent. Ils n’ont pas la sensation viscérale de l’imminence de la fin. Vertigineuse, aiguë, terrifiante.
Marcel, son compagnon de longue date, l’a plaquée. Pour une plus jeune. Sous le choc, épisode dépressif, congé de maladie, stupeur, désarroi. Des nuits, des jours à traîner en sweat-shirt gris, cheveux sales, à guetter inutilement le facteur, le téléphone.
Se reprenant, elle a amorcé un cheminement : psychothérapie, lecture, méditation, groupe de femmes comme elle, sans conjoint ni enfants.
Elle a bien tenté de nouvelles rencontres sentimentales, pour vite s’apercevoir que les mâles ne s’intéressent qu’à l’apparence physique et au sexe sans lendemain. Elle a fait une croix dessus.
Aujourd’hui, elle arbore fièrement sa teinture betterave et ses lunettes à monture excentrique, qui affirment sa personnalité. S’est inscrite à des cours d’aquarelle et de yoga. Se rend au spa chaque mois, où elle reçoit un soin, parfois 2.
Se sent sereine, disciplinée à ne plus penser à sa misérable solitude.
La presse, qui est paresseuse, se désole chaque fois qu’il lui faut constater un clivage, une polarisation ou, pire, un morcellement de l’opinion.
Elle aimerait tant que nous ayons tous la même position. Réagissions de la même manière. Achetions le même produit. Courions voir le même film. Suivions le même match.
Correspondions au modèle de soumission qu’elle privilégie, celui de monsieur et madame Tout-le-Monde.
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© 2021 Mario Cyr